Par Sylvie Lambert, infirmière, Ph.D., Chaire de Recherche du Canada, professeure agrégée, École des sciences infirmières Ingram, Université McGill, chercheuse, centre de Recherche de Saint-Mary’s
Cet article est tiré de l’édition spéciale du Magazine Expériences offerte par le Groupe McPeak-Sirois, l’un des plus importants consortiums de recherche clinique en cancer du sein au Canada.
Pourquoi m’exprimer sur mon état de santé?
La voix des patientes et des patients est essentielle dans les soins en oncologie pour fournir des services de qualité.
Une stratégie efficace pour intégrer leur perspective dans leurs soins est l’utilisation des « PROMs » (Patient-Reported Outcome Measures) ou mesures des résultats rapportés par les patientes et les patients. Les PROMs sont des questionnaires remplis par les patientes et les patients qui évaluent l’intensité des symptômes physiques et émotionnels, souvent sur une échelle de 0 à 10. Les réponses fournissent des informations cruciales sur l’impact du cancer, des traitements ou d’autres problèmes de santé. Les avantages des PROMs incluent une meilleure communication avec l’équipe soignante, une satisfaction accrue des patientes et des patients ainsi qu’une gestion améliorée des symptômes.
La reconnaissance de ces avantages engendre une volonté mondiale d’intégrer les PROMs dans les soins cliniques. Depuis 2017, notre équipe a lancé un projet de mise en œuvre des PROMs en oncologie. Plus de 300 patientes et patients y ont participé et témoignent des avantages mentionnés plus haut. Toutefois, leurs commentaires ont également révélé l’existence de plusieurs mythes qui freinent leur participation.
Mythe 1 Les patientes et les patients n’évaluent pas adéquatement leur propre santé.
Certains estiment que l’évaluation de leur santé devrait être laissée aux professionnelles et aux professionnels, ou s’inquiètent de choisir la « bonne » réponse aux PROMs.
Les faits
Les patientes et les patients sont les experts de leurs expériences. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses aux PROMs. Les symptômes comme la douleur et la fatigue sont subjectifs et peuvent échapper à l’équipe soignante. Uniquement la patiente ou le patient peut transmettre ces informations avec précision. Avec les résultats PROMs en main, les cliniciennes et les cliniciens peuvent ensuite poser des questions ciblées pour mieux traduire leur importance clinique.
Mythe 2 : Les PROMs sont réservées à la recherche scientifique, elles n’aident pas les patientes et les patients.
Les faits
Bien qu’initialement utilisées pour la recherche, les PROMs sont devenues indispensables dans la pratique clinique au cours des 20 dernières années. Elles permettent aux équipes de soins d’identifier les principaux enjeux des patientes et des patients et d’adapter leurs interventions à leurs besoins.
Mythe 3 : Les PROMs ne servent à rien si la patiente ou le patient n’a pas de symptômes.
Les faits
Les PROMs peuvent sembler inutiles en l’absence de symptômes; mais elles établissent une base de référence précieuse même si toutes les réponses sont « 0 ». Cette information permet à l’équipe de soins d’observer les futurs changements dans la gravité des symptômes et d’adapter les soins en conséquence.
Mythe 4 : Les PROMs ne changent rien, les cliniciennes et les cliniciens n’ont pas le temps d’utiliser ces informations.
Les faits
Les patientes et les patients arrêtent souvent de remplir les PROMs faute de suivi clinique. Bien que la mise en œuvre des PROMs demande du temps et des ressources, il y a un effort concerté dans le réseau de santé pour garantir une utilisation efficace de ces données lors des consultations. Par le fait même, l’utilisation des PROMs pour détecter les symptômes avant leur aggravation réduit les visites aux urgences, allégeant ainsi la charge de travail du personnel soignant.
Mythe 5 : Les cliniciennes et les cliniciens évaluent les symptômes pendant les rendez-vous, les PROMs ne sont pas nécessaires.
Les faits
En raison des contraintes de temps, l’équipe clinique priorise souvent les symptômes les plus graves. Ceci peut entraîner une gestion réactive plutôt que proactive des symptômes. Les PROMs offrent une méthode structurée pour partager des informations complètes sur les symptômes, permettant au personnel clinique de traiter les symptômes avant qu’ils ne s’aggravent.
Mythe 6 : Les PROMs remplaceront ou modifieront les relations des patientes et des patients avec leur équipe de soins.
Parfois, certaines personnes minimisent leurs symptômes par crainte de déranger l’équipe de soins ou de voir leur traitement interrompu.
Les faits
Les PROMs sont conçues pour améliorer la prise en charge des symptômes en ouvrant la discussion avec l’équipe de soins pour une prise de décision partagée. Déclarer des symptômes sévères permet au personnel clinique de trouver des solutions adaptées pour mieux gérer ceux-ci.
Mythe 7 : Il n’est pas utile pour les patientes et les patients de savoir si leur situation s’aggrave.
Les faits
Plusieurs symptômes sont plus faciles à gérer lorsqu’ils sont détectés tôt. En effectuant régulièrement des PROMs, l’équipe clinique est plus en mesure de proposer un meilleur traitement.