Le projet de loi 15, déposé récemment par le ministre Christian Dubé, vise à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. Afin de contribuer à cette réflexion collective déterminante pour le système de santé québécois, l’Unité de soutien au système de santé apprenant (SSA) Québec a déposé un mémoire à la Commission de la santé et des services sociaux. Vincent Dumez et Antoine Groulx, respectivement codirecteur patient partenaire de l’axe Partenariat et codirecteur scientifique de l’Unité, furent également de la séance de la Commission du 20 avril dernier.
Il est de notre avis que ce projet de loi est relativement en phase avec la poursuite du quintuple objectif. Le souci d’efficacité, voire d’efficience est omniprésent. Celui de mesurer et de suivre certains résultats apparaît comme jamais auparavant dans un texte de loi concernant la santé et les services sociaux.
Le PL15 intègre de porteuses incursions en matière de dialogue avec les usager(-ère)s. Il gagnerait à ouvrir davantage la voie à un véritable partenariat.
On y dénote également un souci d’équité, de diversité et d’inclusion. Néanmoins, on y retrouve peu de propos sur le bien-être des ressources humaines. (article 292).
Ce projet de loi s’inscrit de manière incomplète dans les meilleures pratiques recommandées par les sciences de la gestion et de l’administration de la santé. Les usager(-ère)s et les patient(e)s partenaires sont deux groupes essentiels à la réussite de l’amélioration du système de santé. Il importe que les patient(e)s partenaires puissent contribuer aux solutions au-delà du rôle de vigie des usager(-ère)s.
Modifications recommandées
- Entre les articles 5 et 11, ajouter dans les remarques introductives la nécessité d’inclure les patient(e)s partenaires dans l’élaboration des solutions et du programme qualité de telle sorte que tous (toutes) usager(-ère)s et citoyen(ne)s sont reconnu(e)s comme
- partenaires de transformation et peuvent ainsi participer légitimement aux orientations et à l’élaboration des solutions d’amélioration du système de santé et des services sociaux sous différentes formes.
- partenaires de soins, c’est-à-dire, acteur(-trice)s de leurs propres soins, soignant(e)s tout autant que soigné(e)s. De ce fait, ces personnes doivent être soutenues dans le développement de leurs savoirs et de leurs compétences d’autosoin afin de renforcer leur autonomie.
- Intégrer le bien-être des ressources humaines en santé et services sociaux dans tous les articles qui abordent l’expérience des patient(e)s.
- Recommander d’impliquer au moins deux usager(-ère)s dans tous les articles faisant mention de l’intégration de ces personnes.
- Dans les articles 24, 65 et 66, miser aussi sur la réflexivité, la transparence, l’inspiration par les champion(ne)s et la coconstruction, notamment avec les patient(e)s, plutôt que sur l’obligation et la sanction.
- Dans les articles 120 et 168, bonifier l’engagement afin d’assurer le soutien à l’amélioration de la qualité et une vigilance qualité dans un esprit de continuité d’amélioration.
- Dans l’article 153, intégrer le milieu de vie aux trajectoires puisqu’elles commencent à la maison et non dans le réseau.
- Nuancer l’article 370 afin d’y préciser que le leadership est bidirectionnel entre les milieux urbains et ruraux.
Notre analyse
Général
Le PL15 laisse supposer la possibilité de partenariats avec des ministères de recherche et d’innovation, voire possiblement d’autres secteurs encore plus traditionnellement limités, notamment en matière de circulation des données et renseignements liés à la santé. À une ère où la santé dépasse largement la maladie, ceci permet d’espérer une possible incursion vers une santé durable. (346) | + |
Le PL15 ouvre la porte à la mesure et au suivi de la performance, de l’efficacité et de la qualité. | + |
On y trouve un certain souci d’équité, de diversité et d’inclusion, notamment à l’égard de marques de respect et de reconnaissance des premières nations. On y trouve aussi une nouvelle approche d’équité en matière d’accès aux services spécialisés pour les patient(e)s qui s’appuie davantage sur la nature de la demande que le titre de la personne demanderesse. Ceci tranche avec l’approche historique favorisant l’accès à certains services spécialisés accélérés lorsque demandés par des consultant(e)s spécialisé(e)s ou simplement demandés en intra hospitalier. Pour les patient(e)s comme pour les médecins de famille, c’est une excellente nouvelle. (188) Le souci de pouvoir servir les plus vulnérables apparaît aussi de manière affirmée. (194) | + |
La volonté de transparence dont fait preuve le projet de loi s’avère en parfaite cohérence avec une philosophie partenariale au sein de laquelle patient(e)s, clinicien(ne)s, chercheur(-euse)s et gestionnaires peuvent mieux comprendre les enjeux et contribuer à trouver les solutions. (192) | + |
Entre proposition de centralisation et de décentralisation des pouvoirs, d’imputabilité et de délégation, il n’est pas toujours aisé de comprendre les assises scientifiques de la démarche structurelle sous-tendue. De plus, les consultations dans la préparation du projet de loi, tant auprès de clinicien(ne)s, que de gestionnaires, de chercheur(-euse)s et de patient(e)s ont été sélectives ou limitées. On semble vouloir favoriser et systématiser les comités conseils et de vérification, mais l’imputabilité de ceux-ci et leur réel pouvoir d’influence demeurent incertains. (293) | – |
Bien que de belles incursions entourant le partenariat patient et le souci d’équité, de diversité et d’inclusion soient porteuses d’espoir, on retrouve peu de propos sur le bien-être des ressources humaines. (292) | – |
Partenariat patient
Le PL15 laisse entrevoir une ouverture assez nouvelle dans la loi en matière de dialogue avec les usager(-ère)s et une volonté d’ouvrir la porte à une collaboration accrue avec les patient(e)s. Les usager(-ère)s disposeront systématiquement du droit légitime de participer à toute décision affectant leur état de santé ou de bien-être. (11) L’ouverture à la voix des patient(e)s demande toutefois à être précisée en raison de la différence des rôles et postures. | +- |
Les comités des usager(ère)s ne relèveront plus des conseils d’administration, mais des conseils d’établissements avec un accent fort sur le vécu et la critique de l’expérience, mais bien peu sur les opportunités constructives d’amélioration. L’évaluation de l’expérience vécue semble être reprise dans un modèle de gestion un peu paternaliste dans lequel l’écoute est attentive, mais les solutions imposées. | – |
La création d’un comité national des usager(ère)s (24.4, 67-69) s’occupera principalement des autres comités, dans une formule conseil. Toute la posture de coconstruction, celle des patient(e)s partenaires, se retrouve donc absente du projet de loi. On fait face à une approche d’utilisateur(-trice)s spectateur(-trice)s et critiques plutôt que participant(e)s. | – |
Il est impératif d’intégrer plus et mieux de véritables patient(e)s partenaires dans la loi (gouvernance clinique et qualité, notamment). Cette proposition pourrait être ajoutée aux articles 9 ou 11 avec un fondement clair sur la légitimité des partenaires patient(e)s de contribuer à la gouvernance, aux soins et à l’ensemble de l’amélioration du réseau. | – |
Considérer l’intégration d’au moins deux membres nommés par le comité des usager(ère)s au conseil d’administration, plutôt qu’un seul, ces personnes se trouvant par définition plus contraintes de s’absenter et étant moins susceptibles de sentir intimidées si elles ne sont pas seules. (31) | – |
L’approche proposée demeure très axée sur la défense des droits et intérêts collectifs. Le projet de loi gagnerait à ouvrir davantage la voie à un véritable partenariat. Le projet de loi évoque les obligations, mais sans permettre de contribuer à l’identification des problématiques ni à la coconstruction de solutions, une contradiction facile à corriger. (149) | – |
Qualité et innovation
Le PL15 mise sur un ensemble de pratiques et de standards reconnus de qualité, de sécurité, de pertinence et d’efficacité (19.3 et 323). On y affirme vouloir s’appuyer sur de nombreux indicateurs (99, 382) de cette qualité et de ces résultats. | + |
La volonté de soutenir et d’étendre le suivi de la qualité aux milieux privés et au préhospitalier (964 et 990) est heureuse. (978) | + |
Il est heureux de voir apparaître des tableaux de bord et un accent fort sur la mesure avec des perspectives d’information régionales et interrégionales. (64) | + |
Le souci d’informer la population et de vulgariser les mesures proposées (76-2) soutient la littératie et, par conséquent, le partenariat citoyen. Ainsi, les rapports de gestion et les communications publiques telles que les séances de conseils d’administration ne doivent pas seulement être accessibles, mais aussi intelligibles pour les citoyen(ne)s dans une version vulgarisée. (101) | + |
Le PL15 témoigne d’une recherche de compétence des membres du conseil d’administration en matière de performance et de gestion de la qualité. (1071) | + |
Il fait place à la science (6, 19, 292) et à l’intégration des innovations avec une plus grande implication du ministre en valorisation de l’enseignement, de la recherche, des Unités d’évaluation des technologies et de modes d’intervention (ETMI), des innovations, des pratiques de pointe et du transfert de connaissances avec une collaboration des RUISSS, du ministère de l’Enseignement supérieur (MES) et du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE). (364) | + |
Le rôle accru pour l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) en matière de qualité et d’innovation est crédible et porteur de sens pour les clinicien(ne)s. | + |
La mise en place d’un tout premier Programme national sur la qualité des services (24, 65-66), concrétisé par un règlement sur les normes d’application de celle-ci, est porteur. | +- |
L’amélioration de la qualité apparaît occultée par la critique ou l’assurance qualité. Il importe de bien évaluer et certifier la qualité en fonction de normes. Les Conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) ont traditionnellement adopté cette approche qui ne systématise pas l’accompagnement et la facilitation de la transformation des pratiques. Il serait important d’aborder l’accompagnement de la gestion du changement un peu partout, comme cela est déjà entamé en première ligne avec les agents d’amélioration continue de la qualité (AACQ). Est-ce le rôle des Directions de la qualité, de l’évaluation, de la performance et de l’éthique (DQEPE), des directions cliniques, d’autres agent(e)s facilitateur(-trice)s? (168) | – |
RUISSS: trajectoires et territorialité
Le PL15 maintient le rôle des Réseaux universitaires intégrés de santé et de services sociaux (RUISSS). (364 à 371) | + |
Il assure fluidité et continuité. (29-2) | + |
Il réaffirme la territorialité des réseaux locaux de services (RLS) et des régions sociosanitaires. | + |
Il dénote une ouverture à l’intersectorialité avec la recherche de même qu’avec la santé publique. (76-5) | + |
Le comité interdisciplinaire favorise la fin des silos. (153) | + |
L’accent mis sur les trajectoires est pertinent (153), mais il faut évoquer que la trajectoire commence à la maison (et non dans le réseau) pour agir dans le respect des patient(e)s partenaires. | +- |
La place qu’occuperaient l’INESSS (370) et le Fonds de Recherche du Québec – Santé (FRQS) (370) afin que les activités de l’INESSS soient coordonnées dans les RUISSS demeure à préciser. | +- |
L’approche prône un leadership des milieux urbains vers les régions apparaît quelque peu paternaliste alors que ces dernières peuvent aussi nourrir les innovations et les mener en région (ex. Guichet d’accès à la première ligne (GAP) et Bas Saint-Laurent). (370) | – |
Projet de loi 15 sur l'amélioration du système de santé: quatre définitions alternatives
Le projet de loi 15 sur l’amélioration du système de santé québécois aborde plusieurs notions phares. Voyez la définition alternative que l’Unité propose pour quatre d’entre elles.